Tête de Sardine
Tout diplômé de l'université en communication qui a un jour eu l'idée saugrenue de répondre à une annonce pour un job dans la communication, sans avoir fait le Celsa ou Sciences Po (et encore moins les deux) goûtera sans aucun doute cette comparaison halieutique trouvée p50 du roman de David Regourd, Quartier d'affaires (éditions Léo Scheer) :
"[...]je n'y ai tout d'abord pas cru, car je sais que ces annonces de presse sont comme des filets à petites mailles jetés dans les vagues et qui ramassent tellement de petits poissons impropres à la consommation que les recruteurs en éliminent les trois quarts sans aucun ménagement et ne retiennent, et encore avec une moue de mépris, que les candidatures les plus intéressantes."
Le roman ne parle pourtant pas du domaine de la communication mais plutôt de celui des nouvelles technologies (de l'information et de la communication) avec plusieurs allusions à la Silicon Valley. Je trouve que ce passage illustre en revanche particulièrement bien le sentiment que l'on peut ressentir quand après avoir envoyé des centaines de lettres et reçu à peu près autant de lettres négatives, on se retrouve soudain convoqué à un entretien. Après le plaisir d'être sorti du lot, vient la crainte de ne pas être à la hauteur. Comment y croire encore après tant de rejets sans appel? Comment convaincre un potentiel employeur que les "autres" ont eu tort. Il y a des parcours plus difficiles à vendre que d'autres...
Une fois en poste, tout ça est oublié bien sûr et on fait l'affaire, mais la prochaine fois tout sera à recommencer, car les traces des périodes de disgrâce temporaires ne s'effacent jamais sur un CV. Des années après un recruteur attentif vous interrogera encore d'un air faussement débonnaire sur ces périodes de vaches maigres où vous n'aviez pas su suffisamment bien vous vendre. Le narrateur de ce roman n'aura pas ce souci, car après des débuts difficiles, son intégration dans la société dépassera toutes ses espérances. Quitte à vendre autre chose que ses compétences...